Toulouse. Dans les coulisses du plus gros projet d’habitat participatif de France
Mercredi 20 juin, le maire de Toulouse Jean-Luc Moudenc a inauguré le plus gros projet d’habitat participatif de France, dans le quartier de la Cartoucherie. Visite guidée.
L’habitat participatif, c’est comme le bon vin : il mûrit avec le temps. Il a fallu près d’une dizaine d’années pour que naisse, et se développe pas à pas, le projet de la résidence « Aux 4 vents », à la Cartoucherie. C’est dans ce quartier de l’ouest toulousain, entre les Arènes et Purpan, où sont attendus 3000 logements et près de 10 000 habitants dans les prochaines années, qu’a été inauguré le projet d’habitat participatif le plus important de France, mercredi 20 juin 2018, en présence du maire Jean-Luc Moudenc.
Avec 89 logements (du T2 au T5) et 152 habitants, le projet est porté conjointement par les associations Abricoop et Aux 4 Vents Toulouse, la mairie de Toulouse et le Groupe des Chalets, qui a réalisé trois des quatre immeubles de ce programme innovant. Francis Blot fait partie des pionniers du projet des « 4 Vents ». Il raconte son évolution :
La réflexion a connu une accélération en 2013, période où l’on a commencé à concevoir des espaces collectifs, à définir le type de logement. Puis nous nous sommes constitués en association. Sur les 152 habitants, on a 18 nationalités, et des personnes âgées de 6 mois à 95 ans ! ».
Salle collective, buanderie, ateliers…
Ici, pas de grande maison où l’on partage les pièces. Chaque foyer a son propre logement, mais des parties communes ont été aménagées pour faire vivre la communauté. Salle polyvalente, salle collective de jeux et de détente utilisée selon un planning précis (le programme des matchs de la Coupe du monde et les pronostics des habitants sont affichés en bonne place !), buanderie, salle d’ateliers créatifs et de bricolage (où les photos des habitants s’exposent sur les vitrines), un jardin en îlot, une salle de musique, une cuisine…
Les habitants sont reliés par un fil d’Ariane qui a tendance à se perdre dans des résidences plus classiques : la solidarité.
Je vois deux différences majeures, et deux atouts, dans l’habitat participatif. D’abord, on se connaît tous et une réelle solidarité existe entre nous. Les habitants mettent leurs forces et leurs compétences en commun. Par exemple, une prof de yoga donne des cours tous les mardis soirs, et une personne spécialiste des arts martiaux, idem. Une dame a même installé son trampoline au milieu du jardin partagé, où les enfants se donnent rendez-vous ».
>> Francis Blot, l’un des piliers du projet toulousain, nous parle de ce projet de la Cartoucherie <<
La singularité d’Abricoop
Dans le projet de la résidence aux 4 Vents, l’association Abricoop (ex-La Jeune Pousse) porte une voix un peu singulière. Stéphane occupe l’un des 17 logements de l’immeuble, qui a la particularité architecturale d’être fabriquée en bois, et de consommer 20% d’énergie en moins. Il est tombé sous le charme du projet. « Cela crée du lien social. Les personnes sont sensibles au vivre-ensemble et à l’écologie ».
Non-spéculation sur les parts sociales, trois chambres d’amis en commun et solidarité financière sont la valeur ajoutée d’Abricoop. Sur ce dernier point, avec 12 logements sociaux sur les 17, le montant du loyer est fixé en proportion du quotient familial de chaque foyer pour l’équilibre général. Ainsi, pas d’exclusion : les personnes pauvres ou à haut revenu sont acceptées.
>> Thomas, habitant de l’immeuble d’Abricoop, nous parle de la singularité de l’immeuble dans le projet <<
L’esprit de l’habitat participatif a du succès, le turn-over est faible. Pour intégrer Abricoop, il existe même une liste d’attente.
Nouveau programme d’accession à la propriété
Mais avant de s’engager dans ce projet, la notion de propriétaire peut virer au mirage. Si 44 logements ont été créés pour de location-accession, et 5 en Vefa (Vente en état futur d’achèvement, soit l’achat du neuf sur plan), 23 d’entre eux ont été réservés pour un fonctionnement un peu nouveau : la Société civile immobilière d’accession progressive à la propriété (SCIAPP).
Explications avec Jean-Paul Coltat, le directeur général du Groupe des Chalets, qui gère deux autres projets d’habitat participatif dans la région toulousaine (Maragon-Floralies à Ramonville et Vidailhan à Balma-Gramont) :
Ce montage permet à des personnes qui n’ont pas accès au crédit bancaire d’entrer dans un processus d’accession progressive à la propriété. La personne acquiert progressivement, sur 40 ans, des parts sociales de la SCI propriétaire de l’immeuble. Les accédants sont ainsi membres associés de la SCI, et accédants progressifs. Et ces parts sont cessibles à tout moment et transmissibles en succession ».
Un projet trop gros ?
Mais avec plus de 150 personnes, la notion d’habitat participatif, qui s’est construite ces dernières années à Toulouse sur une multiplication de projets plus modestes, à taille humaine, n’est-elle pas dénaturée ? « Avec 89 logements, le consensus ne se construit pas facilement. Des gens peuvent être impatients, c’est vrai. Mais c’est une belle aventure qui se construit sans cesse. On verra », répond Francis Blot.
Bel exemple d’intégration
La résidence des 4 Vents pourrait également servir d’expérimentation sociétale. Enrique est le papa de Jérémy, une personne trisomique de 35 ans, qui travaille à la mairie de Toulouse. Il a trouvé dans le projet de la Cartoucherie un moyen d’intégration presque inespéré pour son fils. « J’ai participé au début du projet. En choisissant l’architecte et en adaptant le logement, on a pu faire une salle de bain adaptée et un logement où mon fils a choisi la couleur, la déco », explique Enrique.
Intégration et d’autonomie comme effets insoupçonnés de l’habitat participatif ? C’est oui, pour Enrique. « Ce type de logement, concerté au départ, est l’avenir pour les personnes porteuses de handicap », conclut, ému, le père de famille.